FAIT DU JOUR L'archéologie de la France via le Gard
Paru aux éditions Tallandier, L’Atlas archéologique de la France est une somme d'histoire qui prend vie en 336 pages pour 36 euros. Dominique Garcia, patron de l'Inrap, joue le jeu et nous parle du Gard.
Il est des livres qui devraient être dans toutes les bibliothèques privées comme publiques. Celui du jour en fait partie. À l’heure où l’on enseigne que très partiellement l’histoire, l’Atlas réalisé par les équipes de l’Inrap permet de fixer l’étendue actuelle de nos connaissances françaises sur l’évolution de la présence humaine sur notre territoire depuis un million d’années.
Avant de parler de manière plus large de ce petit bijou qu’est cet Atlas archéologique de la France, Dominique Garcia, président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), parle de ce que les découvertes réalisées dans le Gard ont pu apporter à l’Inrap et au savoir archéologique au fil des âges.
« Chaque objet, chaque pan de mur, chaque sépulture, chaque reste de repas mis au jour vient documenter le récit d’un million d’années et permet d’écrire une nouvelle histoire de la France. Page à page, grâce à cet Atlas archéologique de la France, nous explorons les strates archéologiques telles que chaque époque nous les a léguées... Et le département du Gard ne fait pas pâle figure ! »
Débutons alors cette histoire non pas il y a un million d’années comme le fait l’Atlas (même si vous verrez quelques belles surprises locales dans l’ouvrage), mais vers 35 000 ans avant le présent, chez nous dans le Gard.
« Entre Vidourle et Rhône, du littoral qui à l’époque était beaucoup plus éloigné qu’aujourd’hui, jusqu’aux Cévennes qui avaient l’apparence d’une toundra, l’archéologie livre des vestiges d’habitations temporaires, des restes d’animaux chassés comme des bisons, des ours de caverne... et des objets en silex. Mais la découverte la plus spectaculaire a été réalisée récemment. Il s’agit des objets décorés d’époque magdalénienne (vers -20 000 ans) découverts à Bellegarde. En effet, de manière générale, les œuvres d’art mobilier, réalisées sur des supports transportables, sont plus fréquentes dans le Bassin aquitain et les Pyrénées. Souvent les objets ornés sont mis au jour dans des grottes, beaucoup plus rarement dans un campement de plein air comme c’est ici le cas. À Bellegarde, les éléments figurés sur les plaquettes gravées les plus anciennes sont des profils de chevaux. L’une présente un profil de cheval isolé, aux nombreux détails anatomiques précis comme le naseau, la bouche, la ganache, l’œil, la crinière, les oreilles.... On retrouve même une figuration féminine. »
Cet ouvrage gomme un paradoxe qui entache la discipline archéologique. On parle ici du phénomène qui veut que lui soient régulièrement associées les expressions « découverte exceptionnelle », « site éternel » ou « au hasard de fouilles ». Pourtant, c'est la diversité des archives qui autorise la mise en perspective, une expertise et un décryptage.
« Au Néolithique, de 6 000 à 2 300 avant J.-C., les populations se sédentarisent et surtout pratiquent l’agriculture et le pastoralisme. Les cartes de l’Atlas présentent les mouvements de populations dont l’arrivée sur le littoral des premiers agriculteurs originaires de la péninsule italique. On voit aussi l’installation d’une nouvelle « culture archéologique » appelée par les chercheurs la culture impresso-cardiale. Elle se caractérise par des vases décorés de motifs obtenus par des coquillages comme le cardium. Une carte très parlante présente quatre mille ans d’occupations néolithiques où le Gard révèle une densité de site très forte. Dans cet espace, le site de Mas de Vignole est un cas de figure original. Les vestiges les plus abondants mis au jour concernent le Néolithique moyen. Datés d’environ 4 700-3 500 avant J.-C., ils se rapportent, pour l’essentiel, à la culture dite du Chasséen. Ces structures sont rarement appréhendées en Languedoc oriental sur une aussi vaste surface. Cette fouille fournit ainsi l’occasion de suivre sur plusieurs centaines d’années la nature et le rythmes des installations des populations ainsi que leur organisation spatiale. Peuvent être ainsi déterminés les parties domestiques comme l’habitat, l’artisanat et le stockage des denrées, les espaces funéraires, mais aussi l’évolution d'un paysage modelé par les communautés au fil des siècles. »
L'Atlas ne se focalise ainsi pas que sur des détails comme le beau, le fragile ou le futile, mais il ouvre des perspectives et il permet, de façon originale et heuristique, de dessiner des paysages historiques dynamiques comme ceux de cette « France mise au jour ». Une lecture indispensable et qui devrait par ailleurs être obligatoire !
« La carte de la page 59 présente les premières architectures monumentales et met bien en avant le site de plaine de la Capoulière ainsi que ses habitations en terre crue. De même, la carte des échanges à longue distance (haches, perles et poignards en pierre, NDLR) montre que nous sommes dans une aire de circulation active entre les Alpes, le Luberon et les Pyrénées. Le Néolithique est également une période où les identités s’affirment, et où l’on voit émerger une sculpture à figuration humaine, dont le Gard est l’un des foyers les plus importants en France avec l’aire des statues-menhirs languedociennes... Tout comme apparaissent les premières traces de la guerre. Le monde des morts, avec de nombreuses sépultures collectives comme les dolmens et les avens, est aussi très représenté dans cette région. »
Puis, vient l’âge du Bronze, de 2300-800 avant J.-C. « C’est le temps de la maitrise de la métallurgie d’abord avec le cuivre puis le bronze. Cela va transformer les sociétés qui vont devenir plus hiérarchiques et dont le domaine bas-rhodanien est très représenté. Le cuivre est extrait dans des gisements cévenol et fait l’objet d’un artisanat actif car nous observons un dépôt de haches de Cabanelle à Castelnau-Valence ou d’épées à la Rouvière à Chusclan. Durant cette période le territoire est très largement occupé tant sur le littoral que dans l’arrière-pays. »
L’avantage avec un tel Atlas c’est que l’histoire suit son fil mais que le lecteur peut aller et venir d’un site archéologique à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une carte à l’autre et finir par tout comparer en superposant les connaissances. Plus on approche de notre présent, plus l’histoire a laissé des traces prégnantes.
La période suivante est celle de l’âge du Fer qui va de 800 à 50 avant J.-C. « La région gardoise est fréquentée précocement par les navigateurs étrusques et grecs qui vont mettre en œuvre un commerce actif basé sur la diffusion de produits rares tels le vin et des vases de luxe contre des matières premières comme les céréales ou métal. Les populations locales se regroupent sur des agglomérations de hauteur (la Liquière, région d’Alès, Saint-Bonnet du Gard, NDLR), sur des sites littoraux comme le Cailar et, bien entendu, à Nîmes autour du sanctuaire de la Fontaine et sur les pentes du Mont Cavalier. Les cartes de l’habitat, du commerce, et des sanctuaires, rendent bien compte de cette dynamique et le rôle de la région dans les grands contacts entre la Méditerranée et le monde celtique. »
Les passionnés de l’Antiquité ne seront pas déçus ! Le Gard a encore une fois permis d’écrire quelques lignes de plus, de préciser quelques errances. Mais ça, vous le savez déjà !
« La période romaine, dès le IIe siècle avant J.-C. et jusqu’à 400 après J.-C., est une période où le Gard avec la cité de Nîmes et les découvertes, nombreuses, réalisées à Uzès, Alès ou dans la plaine littorale joue un rôle particulier dans la nouvelle Province de Narbonnaise, en particulier le long de la Via domitia. Nîmes, par le nombre et la qualité de ses découvertes, permet de bien illustrer le mode de vie nouveau introduit par les colons romains : cultes et religions, artisanat, pratiques agraires et espaces funaires. »
Le livre s’achève par une cinquantaine de cartes couvrant de 400 après J.C. jusqu’à nos jours. Elles mettent aussi et bien en avant la place des découvertes archéologiques gardoises, pour le Moyen Age, l’époque moderne et la période contemporaine, dans la construction de notre histoire régionale et nationale.
Écrit à plusieurs mains et toutes sachants parfaitement ce qu’elles écrivent, cet Atlas est une somme précise d’informations condensées par trois personnes. Dominique Garcia est un professeur d'archéologie à l'université d'Aix-Marseille, mais il est le président de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Archéologue de terrain, il a publié une vingtaine d'ouvrages sur les sociétés protohistoriques de la Méditerranée nord-occidentale au premier millénaire.
Marc Bouiron est quant à lui conservateur en chef du patrimoine et le directeur scientifique et technique de l'Institut national de recherches archéologiques préventives. Ses publications portent sur l'évolution urbaine des villes du Midi de la France, de la protohistoire à la période moderne.
Côté cartographie, c’est Aurélie Boissière, géographe-cartographe indépendante, qui a réalisé de nombreux Atlas et contribué à plusieurs collections d'histoire de France et d'histoire ancienne, qui assure avec brio la lecture et la visibilité de ces 100 cartes et plans inédits avec plus de 200 illustrations !
Rendez-vous bien compte que c’est la documentation qui a permis la réalisation de cet Atlas. Cette documentation est issue de dizaines de milliers de fouilles (35 000) et d'enquêtes archéologiques menées en France depuis plusieurs décennies sur des sites patrimoniaux encore actuellement visibles, et ceux, bien plus nombreux, effacés de notre paysage au fil de l’histoire. Du Paléolithique méridional aux travaux forcés d’un bagne guyanais, tout y est passé à la moulinette de l’analyse et du recul, nécessaire, historique.
« C’est bien là, une des vertus de cet Atlas archéologique de la France de donner à lire, grâce à l’archéologie, un nouveau récit historique. Des milliers de découvertes surgissent sans cesse sous la truelle des archéologues. Les vestiges d’habitats, de tombes, de sanctuaires ou d’ateliers enrichissent notre patrimoine comme notre compréhension des sociétés passées. Jamais encore ces archives du sol n’avaient été cartographiées et illustrées avec une telle ampleur. »
Ce que l’on peut en ressortir ? Se dire que la « France des origines » est sous vos yeux. Les pages font défiler un million d’années passant des populations de chasseurs-cueilleurs non sédentaires à l’homme de Néandertal puis l’homme moderne (Homo Sapiens), notre ancêtre direct. Le Gard, à la croisée des chemins, a toujours fait partie de cette longue et belle histoire comme étant une terre de mélange, de contact et d’échange.
L’Atlas archéologique de la France aux éditions Tallandier pour 336 pages et 36 euros.
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