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Publié il y a 3 ans - Mise à jour le 22.10.2020 - coralie-mollaret - 4 min  - vu 1177 fois

FAIT DU SOIR À Nîmes, le chauffage urbain sur le gril de la Chambre régionale des comptes

L'incinération de nos déchets permet notamment à l'hôpital et aux habitants des quartiers de Pissevin et Valdegour de se chauffer (Photo : Thierry Allard / Objectif Gard)

Le gendarme des finances publiques a passé à la loupe la gestion du chauffage urbain nîmois. Un réseau auquel sont raccordés les immeubles des quartiers de Pissevin et Valdegour ainsi que l’hôpital et la piscine des Iris. Les cinq points clefs du rapport. 

Avec l’épidémie de covid-19, ce rapport est presque passé inaperçu. En juin, la Chambre régionale des comptes Occitanie a publié son analyse sur la gestion du chauffage urbain et la production d’eau chaude. L'étude démarre en 2013, lors du lancement de la nouvelle DSP (Délégation de service public) conclue avec Nîmergie, une filiale de Dalkia. Ce nom n'est pas inconnu à Nîmes, puisqu'auparavant et pendant 48 ans (!), Dalkia a géré le réseau de chauffage urbain.

1. Une DSP « irrégulière » de 48 ans 

Avant d'entrer dans le vif, les juges ont jeté un œil sur le passé. Assez instructif. Créé dans les années 60, le chauffage urbain a permis - comme son nom l'indique - de chauffer les nouveaux ensembles immobiliers de l’ouest nîmois érigés à Pissevin et Valdegour. Alimentée au départ avec du charbon et du fioul, l’exploitation du réseau a été confiée à la société Sonic. Une gestion sous forme de « contrat d’affermage » conclu en 1965 pour une durée de 30 ans. Le marché ? Sonic entretenait le réseau, encaissait les abonnements et, en échange, versait une redevance à la ville de Nîmes. 

Au fil du temps, Sonic a changé de propriétaire pour passer dans le giron de Dalkia, filiale d'EDF. Sauf que le rapport de la Chambre soulève un lièvre : la trop longue durée du contrat. Prolongé par un avenant du conseil municipal, voté en 1993 sous Jean Bousquet, Dalkia a géré le service pendant 48 ans contre 30 ans initialement. D’après les juges, rien ne justifiait pareille prolongation. Pas même les nouveaux investissements invoqués par la municipalité. La situation n’est pas sans faire écho à la gestion de l’eau par La Saur qui a duré à Nîmes près d'un demi-siècle !

2. L’incinérateur réduit la facture 

Le passé, c’est le passé. Le rapport des magistrats porte essentiellement sur la nouvelle DSP (Délégation de service public) conclue en 2013. Sa durée est de 25 ans. La nouvelle société choisie, Nîmergie, est une filiale de Dalkia. La bonne nouvelle selon la Chambre, c'est que le nouvel appel fait du bien au porte-monnaie des usagers. Face à trois entreprises concurrentes, Nîmergie a réduit ses marges, proposant la baisse la plus importante du tarif au mégawatt/heure : 38,72 € contre 43,72 € HT. Une diminution de 9%. 

Cette baisse sera de nouveau favorisée par le raccordement à l’incinérateur de Nîmes, en 2015, pour un montant de 100 M€. Aujourd’hui, plus de 50% de la chaleur provient de nos déchets brûlés. L'utilisation de cette énergie renouvelable a permis aussi d'augmenter le taux de rendement pour atteindre 86 % en 2018. Il a aussi permis aux 29 abonnés - représentant environ 6 000 logements jusqu’en 2017 - de bénéficier d’une baisse de la TVA. Enfin, les tarifs de chauffage urbain dépendent moins de la fluctuation du cours du gaz, répercutée sur les factures. Le gaz comptant pour 40% dans la production de chaleur.

3. Rénovation urbaine et nombre d’abonnés 

Aujourd’hui, il est quasiment impossible aux abonnés précités de se désengager. De quoi assurer au délégataire un équilibre économique. Selon la chambre, « la baisse progressive des besoins de chaleur n’est cependant pas encore démontrée. » La seule menace pourrait venir de la destruction d’immeubles, soit 828 logements, dans le cadre du projet de rénovation urbaine. Toutefois, « le raccordement de la seule piscine des Iris en 2018 a représenté à un gain de 2 500 logements. » Depuis le début de la nouvelle DSP, le solde net représente un gain de 1 672 équivalents logements.

« L’aléa lié à d’éventuels déraccordements apparaît dès lors maîtrisé », commentent les juges. À plus long terme, le réseau pourrait aussi s’étendre aux quartiers Capouchiné et/ou à Kennedy. En 2019, la Ville s’est dotée d’un schéma directeur du réseau de chauffage urbain. Ce document planche sur l’avenir du réseau à l’horizon 2030 pour faire face aux opportunités et aux menaces ces 10 prochaines années.

4. Le contrat encore trop favorable à Nîmergie ?

En regardant la gestion de Nîmergie, les juges ont constaté que le résultat économique était « moins favorable » que prévu. En cause, les charges financières liés aux emprunts contractés pour le raccordement à l’incinérateur. La Chambre a tiqué sur deux avenants pris par la municipalité en 2014 et 2016 jugés trop favorables au délégataire. Le premier concerne le maintien des tarifs en dépit de la ristourne fiscale du CICE. Pour les juges, ces crédits d’impôts auraient dû se répercuter sur les usagers. En revanche pour l’entreprise et la municipalité, ces crédits ont servi à doper la compétitivité de la société.

L'autre avenant concerne la mise en place de la « cogénération » en 2017. Derrière ce terme barbare se cache une production simultanée de deux formes d'énergie dans la même centrale : gaz et électricité. Ce système n'était pas prévu initialement dans le contrat de DSP. Pour le mettre en œuvre, la société a dû installer un alternateur, un transformateur, un récupérateur thermique... Des investissements financés par un prêt de 3,7 M€ contacté à Dalkia, actionnaire de Nîmergie. Sans grande surprise, le taux d’intérêt dudit prêt est de 4%... Un taux bien supérieur à celui du marché. Enfin, si ce système tire les prix à la baisse, il participe à la hausse des émissions de gaz à effet de serre.

5. Renforcer le contrôle et l’information à l’usager 

Derniers points à avoir retenu l'attention des juges : le contrôle du délégataire et l’information délivrée aux usagers. Sur le contrôle, la Chambre a constaté que l’organisation des services techniques ne permettait pas d’assurer « un contrôle régulier et suffisant. » Dans sa réponse, la Ville a précisé qu’elle affecterait « un ingénieur au suivi et contrôle du contrat et développement du réseau. » Avant de signifier qu’elle s’engagerait « dans une démarche globale pour mieux contrôler l’ensemble de ses DSP. » Le nerf d’une bonne gestion des services publics. 

Sur l’information, la municipalité a promis là-aussi de faire des efforts. Les juges ont pointé la non-publication des rapports annuels du délégataire et des comptes rendus des réunions des abonnés sur le site internet de la Ville. La Chambre a aussi regretté l’absence d’enquête de satisfaction auprès des usagers. Si le rapport mentionne toutefois que la grande majorité des bailleurs considèrent les prix « compétitifs », l'hôpital de Nîmes les estiment plus élevés que d'autres énergies. Histoire de mettre tout le monde d'accord, il serait judicieux de pouvoir accéder aux bonnes informations.

Coralie Mollaret

coralie.mollaret@objectifgard.com 

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