CULTURE Avec les "Plantes qui soignent", le Musée Cévenol pallie une "perte de connaissances"

Les illustrations botaniques d'Omer Faidherbe
- François DesmeuresAu Vigan, jusqu'au 31 octobre, l'exposition temporaire "Les Plantes qui soignent" s'intéresse à la flore des Cévennes autour de l'Aigoual, à sa découverte, et à sa classification. Le Dr Rouger, au début du 19e siècle, puis Adrienne Durand-Tullou, dans les années 1970, sont le fil rouge d'une exposition qui réapprend à ses visiteurs les découvertes en matière de principes actifs des plantes locales, leur convoitise, leur usage en médecine et leur oubli, accompagnant l'exode rural. Une exposition à la fois scientifique et artistique.
"Topographie statistique et médicale de la ville et canton du Vigan". Docteur en médecine à l'université de Montpellier - l'un des premiers à vacciner contre la petite vérole - François-Alexandre Rouger publie en 1819 un ouvrage de référence, qui dépasse les frontières du "canton". C'est par ce recueil, disponible en ligne (à retrouver ici) que s'ouvre l'exposition temporaire, qui restera jusqu'au 31 octobre dans les murs du Musée Cévenol du Vigan. Et par la connaissance qu'il a apporté, comme le montre un de ses herbiers des "plantes qui soignent", du causse à l'Aigoual.
"Le docteur Rouger décrit tout le canton, ses plantes, les reliefs, les oiseaux, les habitats. Et il livre un tableau des plantes médicinales", détaille Laure Teisseyre, archéologue à la retraite et qui a fait office de commissaire bénévole de l'exposition, sous la direction d'Estelle Bougette. Et cette liste de plantes "rejoint la liste issue des interviews menées par Adrienne Durand-Tullou". Institutrice à Rogues dès 1938, la doctorante en lettres enquête sur le causse de Blandas et le mont Aigoual, sous forme éthologique, et s'intéresse aussi aux plantes.
"On se rend compte qu'il y a une perte de connaissances dans les années 60." L'exode rural en expliquerait la majeure partie, selon Laure Teisseyre. Car à l'époque, "les herbiers sont utilisés par les bergers pour soigner les bêtes... et eux-mêmes". Sureau, hellebore, angélique sont communs dans les affaires de celui qui travaille dehors. "En infusion, en emplâtre, sous différentes formes..."
"Au 16e siècle, dans les Cévennes et les causses, on trouve quasiment toutes les plantes médicinales européennes"
Laure Teisseyre, commissaire de l'exposition
L'exposition livre ensuite une brève histoire des plantes médicinales. "On a trouvé un Néanderthalien, datant de 49 000 ans, qui consommait des germes de peuplier. Dans les affaires d'Ötzi, il y avait des champignons médicinaux, rembobine Laure Teisseyre. Au 16e siècle, Guillaume Rondelet forme des éudiants de toute l'Europe. Deux d'entre eux font paraître un ouvrage, en 1571, qui couvre toute la flore d'ici, et une partie de la frore exotique. À l'époque, dans les Cévennes et les causses, on trouve quasiment toutes les plantes médicinales européennes, soit environ 800 plantes. Et à partir de 1850, on commence à extraitre les principes actifs, comme la quinine ou la morphine."
Ce sont donc près de 800 plantes que l'exposition montre en illustrations, alors que les herbiers imprimés voient le jour dès le 16e siècle. Aux murs du musée Cévenol, ce sont surtout celles d'Omer Faidherbe et Isabelle Mouton, l'un plus scientifique, l'autre plus artistique. Des boîtes "à herboriser", apparues au 19e siècle complètent le décor du rez-de-chaussée du musée.
La 2e partie se consacre à "Montpellier et l'Aigoual, berceau de la médecine botanique en Europe". L'Aigoual qui s'appelait, auparavant, "Paradis des Dieux" ou "Hort des Dieux". Les carnets de voyage de Guillaume-Joseph Toubieu offrent une liste de plantes, tandis qu'une mise en scène donne à voir ce que pouvait abriter une pharmacie, au tournant des 19e et 20e siècles.
Enfin, la dernière partie, intitulée "Du barbier au médecin", rappelle que ces derniers n'avaient pas le droit de "verser le sang. Ce sont donc les barbiers qui s'en chargeaient." Ces derniers étaient donc, aussi, les ancêtres des chirurgiens, Ambroise Paré étant le plus illustre d'entre eux. La fistule soignée de Louis XIV eut, sur eux, une suite réglementaire : les barbiers-chirurgiens furent désormais différenciés des barbiers-perruquiers.
La Montpélliéraine Ursula Caruel finit cette exposition enrichissante sur une belle touche artistique, offrant un hommage au botaniste Jean-Henri Fabre, ou un herbier du berger sous forme de fresque, ainsi que des plantes suspendues sur des tambours de broderie. Si l'expositon dure jusqu'au 31 octobre, l'installation d'Ursula Caruel disparaîtra, elle, le 7 septembre. Aurtant ne pas attendre les grosses chaleurs pour profiter de l'exposition...