Publié il y a 5 h - Mise à jour le 18.06.2025 - Propos recueillis par Louise Gal - 4 min  - vu 84 fois

L'INTERVIEW Bruno Manzone, président des Vignerons Créateurs : "On espère que cela va durer encore 100 ans et on fait tout ce qu'il faut pour"

Bruno Manzone, président des Vignerons Créateurs. 

- Louise Gal

Les Vignerons Créateurs ont fêté leurs 100 ans lors des Estivales à Bellegarde samedi 14 juin. L'occasion pour Bruno Manzone, le président de la cave coopérative, de revenir sur les stratégies mises en place pour faire face aux défis auxquels la profession est confrontée.

ObjectifGard : Cela fait 5 ans que vous organisez Les Estivales dans vos trois caves, à Bellegarde, Jonquières et Bouillargues, mais la soirée du 14 juin était un petit peu particulière puisque vous fêtiez un centenaire. Quel est le secret de cette longévité ?

Bruno Manzone : Oui, nous avons fêté les 100 ans car la cave de Bellegarde est de 1924. On est donc sur le millésime du centenaire. Les caves coopératives sont nées au début du XXᵉ siècle, et dans le Gard, elles datent essentiellement des années 1920. Celle de Bellegarde date de 1924, celle de Jonquières aussi, et celle de Bouillargues de 1929. Mais ce sont les 100 ans pour tout le monde, on a retenu cette date. 1924, c'est la première récolte sur Bellegarde, on a donc fait la centième récolte l’année dernière. On espère que cela va durer encore 100 ans et on fait tout ce qu'il faut pour que cela dure encore 100 ans, c'est-à-dire qu'on fait des produits que les consommateurs nous demandent. On s'adapte depuis au moins une vingtaine d’années, car la consommation change en permanence.

Vers quoi vous tournez-vous en ce moment ?

Il y a 20 ans, c'étaient les rosés, mais ils sont aujourd'hui bien installés. Depuis deux ans, ce sont les blancs qui commencent à prendre le dessus, on en consomme de plus en plus. Donc, depuis quelques années, les vignerons plantent du blanc. Au niveau de la coopérative, il a par exemple fallu qu'on installe de nouveaux pressoirs parce qu'il faut faire plus de blancs et de rosés. Il y a vraiment une mutation de la consommation qui va du rouge vers le blanc et le rosé. Actuellement, on produit 50% de rosé, 30% de rouge et 20% de blanc. On s'adapte également au niveau de la teneur en alcool de nos produits. Les consommateurs nous demandent moins d'alcool, donc on fait des produits avec moins d'alcool, toutes couleurs confondues. On fait aussi des produits naturels avec très peu d'alcool, à 9 degrés, ce qu'on appelle le "low alcool". Cela a donné notre cuvée KrokoLow qu'on a sorti en début d'année en rouge et en blanc. Kroko pour l'attachement à la zone Nîmoise et low pour low alcool. On ne veut pas aller sur le "no alcool" parce que c'est de la désalcoolisation. Ce sont des produits qui coûtent très cher à produire au niveau énergétique et donc au niveau environnemental.

Votre profession doit également s'adapter au défi climatique. Comment cela se traduit-il ? 

On pousse nos vignerons à planter de nouveaux cépages ou d'anciens cépages plus adaptés au réchauffement climatique. On a deux techniciennes qui vont chez les vignerons toute l'année pour les accompagner sur les choix stratégiques et notamment sur l'aspect certification environnementale, qui aujourd'hui est impérative. Il y a cinq, six ans, on a dit aux vignerons qu'il allait falloir que leurs exploitations soient certifiées HVE, donc tous nos adhérents sont certifiés HVE. La coopérative s’est occupée de tout. On a aussi 15% de bio, soit 12 000 ou 13 000 hectolitres, mais on n'a pas poussé les gens à se convertir, il faut y aller par conviction, car après il faut écouler tout ce vin biologique. On a aussi une autre certification qui s'appelle Terra Vitis, qui représente également 15% de notre production. C'est un petit peu plus exigeant que du HVE. Là, pour le coup, on est vraiment dans une logique d'adaptation à la demande de certains clients, les clients du négoce, les clients vrac, qui veulent mettre en marché des vins Terra Vitis et qui nous passent donc commande. On est allé chercher des vignerons qui sont suffisamment structurés et capables de suivre ce genre de démarche parce qu'on ne peut pas le faire avec tout le monde même si on les aide.

Le nombre d'adhérents à la cave coopérative est-il stable ?

Aujourd'hui, on a un petit peu plus de 60 adhérents, pour environ 1 000 hectares de vignes. C'est un nombre qui descend parce qu'il y a une pyramide des âges qui est plutôt défavorable. Et puis il y a aussi l'aspect économique. Il y a eu beaucoup d'arrachages de vignes avec la prime à l'arrachage mise en place cet hiver. On n'est pas les seuls, mais on a aussi été concernés, comme tout le monde, pas plus, pas moins. C'est vrai qu'on a perdu une grosse dizaine de producteurs à ce moment-là. Mais ce sont des gens qui avaient 75 ans, qui faisaient de la viticulture sur une paire d'hectares un peu par habitude. Donc, ça ne compte pas vraiment, ce n'est pas significatif, cela n'a pas d'impact dans le fonctionnement de la coopérative. C'est toujours un échec quelque part, c'est toujours négatif, mais bon, il faut peut-être en passer par là pour que le marché se rééquilibre. 

Comment vous adaptez-vous à la baisse générale de la consommation de vin ? 

La parade qu'on a trouvée, c'est de développer nos ventes directes de vin en bouteille, ce qui permet d'avoir des marges plus importantes, de maîtriser son prix de vente, d'être moins sensible aux fluctuations du marché du vin de manière globale. C'est une démarche qu'on a entamée il y a déjà plusieurs années, qu’on a renforcée il y a quatre ou cinq ans en créant un service commercial un peu plus étoffé. On a quatre magasins de vente directe et sinon on met en marché à travers la grande distribution, essentiellement locale, on travaille beaucoup avec des grossistes, et on travaille également avec des cavistes et des restaurateurs. On fait en sorte d'étoffer tous les jours un petit peu plus notre réseau commercial. On est plutôt contents, on résiste bien dans le contexte de crise actuelle. Nous avons une dynamique commerciale qui se maintient, qui ne s'érode pas, et je suis assez serein pour l'écoulement de la récolte 2024.

Propos recueillis par Louise Gal

Beaucaire

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