Publié il y a 7 mois - Mise à jour le 23.02.2024 - Propos recueillis par François Desmeures - 8 min  - vu 1030 fois

L'INTERVIEW Pierre Aiguillon, maire de Saint-Jean-du-Gard : "Un décalage entre le discours politique et le tiroir-caisse"

Depuis qu'il a pris ses fonctions de maire en début d'été, à la place de Michel Ruas (revenu dans les rangs des conseillers municipaux), Pierre Aiguillon est évidemment plus sollicité et se heurte aux temps administratifs. Il revient sur ces premiers mois dans la fonction et sur les dossiers spécicifiques à une commune de sa taille, ainsi que les projets que sa municipalité souhaite conbtinuer à porter pour Saint-Jean-du-Gard. 

Objectif Gard : Cela fait près de huit mois que vous êtes maire, regrettez-vous d'avoir pris la fonction ? D'être au centre des sollicitations ?

Pierre Aiguillon : Surtout je ne regrette rien, c'est un engagement tout à fait réfléchi. Mais j'ai des courriers tous les jours, de gens qui demandent des rendez-vous notamment... 

D'adjoint à maire, il y a une grosse différence ?

Oui, quand même. Mais je suivais déjà Michel Ruas. 

Êtes-vous satisfait de ce que vous avez pu mener jusqu'ici ? Ou bien est-ce que les temps administratifs amènent plus de frustration que de satisfaction ?

Je confirme, c'est une frustration importante. Dans le privé, j'avais une autre façon de travailler, on était plus rapide. Ici, il faut passer par les administrations, et tout est compliqué. Je vous donne un exemple : sur l'école maternelle, on a un projet depuis plus de deux ans. On a déposé une demande de permis le 2 août. Et on n'a toujours pas de permis de construire. La DDTM (direction départementale des territoires et de la mer, NDLR) demande toujours des compléments au titre de la loi sur l'eau, du risque incendie, etc. Si on les écoute, on ne peut pas construire. C'est aussi compliqué au niveau des financements. Le sous-préfet est venu faire une réunion, parce que je trouvais que ça n'avançait pas assez vite avec les services de la DDTM - entre autres - le 3 janvier dernier. Et on a parlé de financement : on comptait à peu près sur 70 %, soit 40 % de l'État et une trentaine du Département. On s'aperçoit qu'on va vers le contraire, soit 30 % de subvention et 70 % d'autofinancement. C'est très compliqué et je ne sais pas comment faire. Ça va nous bloquer d'autres projets : on avait prévu le projet sur trois années, on risque de devoir le décaler. 

Le Pont Vieux • François Desmeures

Et le dispositif Petites Villes de demain, signé en juillet dernier (relire ici), ne vous vient pas en aide ?

Ce sont des choses qu'on nous vend au niveau de l'État mais, au final, on s'aperçoit qu'on n'a pas grand-chose de plus. J'en ai fait part à M. le sous-préfet. Mais je vais vous donner un exemple : on nous dit "vous allez avoir droit à des financements comme les fonds verts". Nous, on veut réaménager l'aquarium, avec un arboretum et un théâtre de verdure, et on nous dit finalement qu'on n'a pas droit à ces fonds, pour x raisons. La première, c'est qu'ils ont une enveloppe. Ils montent des filtres. Et, à la fin, on n'y passe plus parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour financer tous ces projets. Il y a donc un décalage entre le discours politique et le tiroir-caisse. 

Les fonds verts, le directeur de la DDTM du Gard conseillait justement aux élus cévenols, en décembre, d'y faire appel en raison d'une disponibilité importante des fonds... (relire ici)

Le budget est disponible, donc on y fait appel. Et, finalement, on n'est pas éligible. 

"Sur le premier semestre, on va faire le pump-track"

Est-ce que cette déconvenue financière peut remettre en cause certains projets ? Comme le pôle d'échange multimodal ou la nouvelle gendarmerie ?

Le pôle d'échange mutimodal (PEM), je dois rencontrer Christophe Rivenq afin que l'agglomération demande à la Région de faire une étude en vue de la création d'un pôle d'échange. Là aussi, tout est compliqué, chacun a sa compétence. Sur le premier semestre, on va quand même réussir à faire le pump-track, juste à côté de Paulhan, à la place actuelle de l'aire de jeux qu'on déplace. On mettra aussi un espace fitness, pour les seniors et les enfants. On a aussi lancé l'appel d'offres pour le théâtre de verdure dans le cadre de la réhabilitation de l'ancien aquarium. 

Vous comptez supprimer les bâtiments sur place ?

De mémoire, il en reste cinq et on veut en faire disparaître trois. On en gardera juste deux pour, éventuellement, faire un pôle vert : il y a déjà l'accrobranche, on va ajouter un arboretum et une petite prairie, ainsi que le théâtre de verdure, donc, pour faire des événements culturels. On envisage aussi de faire une salle immersive sur le sujet de l'eau. C'est un projet qu'on voulait mener dans Maison Rouge, mais ça ne rentrerait pas dans le cadre du musée. 

Vous ne craignez pas que ça fasse doublon avec la Maison de l'eau des Plantiers ?

Non, ce sera complémentaire. D'ailleurs, c'est la même personne, Jean-Louis Teissier, qui veut faire ce projet ici aussi. 

"La gendarmerie, on réfléchit à voir comment on peut être financés... mais on n'a pas de financement"

La nouvelle gendarmerie, où en est-on ?

On réfléchit à voir comment on peut être financés... mais on n'a pas de financement. Ce qui veut dire qu'on va peut-être passer par des bailleurs, comme Habitat du Gard, Un toit pour tous ou les Logis cévenols. Parce qu'au niveau des finacements, ça veut dire qu'il faut sortir environ 3 millions d'euros de la caisse. Puis, on encaissera un loyer sur x années. Mais il reste toujours un delta. Il n'y a qu'à voir la gendarmerie de Génolhac... (relire ici) Voilà pourquoi je souhaite passer par ces bailleurs, et que ce soit neutre pour la mairie.

Quel est l'objet des travaux qui doivent venir sur la déviation ?

Il s'agit surtout de la sécuriser. Et trouver du stationnement. On voudrait faire des voies douces, pour les piétons et les vélos. C'est aussi un projet qu'on risque de décaler, en fonction des subventions qu'on a pour l'école maternelle. Rien que pour amorcer sur la gendarmerie et sur l'école, le Département nous demande d'avoir une vision globale sur les 2,5 kilomètres. Donc, pour valider l'entrée d'une école et d'une gendarmerie, on nous demande une validation sur un projet global. Pareil au titre de la loi sur l'eau, qui réclame un projet global pour la gendarmerie et pour l'école. Ce qui veut dire qu'on peut avoir un permis de construire, mais pas le droit d'attaquer les travaux tant qu'on n'aura pas l'avis de la DDTM. 

"On ne fait que ça, empiler des études."

Ce qui nécessite d'empiler de nouvelles études ?

On ne fait que ça, empiler des études. Et, encore, on nous demande des études complémentaires pour le bassin versant... 

Les communes comme la vôtre ont du mal à conserver leurs commerces, sujet sur lequel le dispositif Petites villes de demain doit intervenir. Comment dynamiser le commerce pour qu'il ne disparaisse pas ?

On a pris un manager de commerce à mi-temps. C'est compliqué d'aller chercher des commerçants. L'objectif est déjà de maintenir ce que nous avons. On a déjà une boulangerie qui devrait arrêter au mois de février, parce qu'il n'a pas trouvé de repreneur... C'est vraiment compliqué. Il faudrait peut-être qu'on ait de petites entreprises qui viennent s'installer à Saint-Jean. C'est à voir avec l'agglo mais c'est compliqué, parce que les petites entreprises qui s'installent sont plutôt attirées par Alès. Si les gens ne tavaillent pas dans les entreprises d'ici, ils vont vers Anduze, Alès, etc. Et ils font leurs courses là-bas, ou sur le trajet. 

Pour maintenir des commerces, il faut aussi la possibilité d'implanter des populations. Avez-vous encore des potentiels de développement ? 

Au niveau du plan local d'urbanisme, on avait quatre zones à urbaniser. Il nous en reste une, à côté du terrain qu'on achète pour la gendarmerie, ce seraient donc 35 logements. La gendarmerie, ainis que la gendarmerie mobile si elle vient, ce seraient douze à quatorze appartements de pris. Donc, il en resterait une bonne vingtaine à faire. Il y aurait un projet d'urbanisation par des privés, mais c'est tellement compliqué, avec la DDTM, que je ne sais pas si on va y arriver. 

Plusieurs communes cévenoles mettent actuellement en place une surtaxe sur les résidences secondaires. Est-ce que ce moyen pourrait vous intéresser dans l'objectif de libérer de l'habitat ?

La surtaxe, on en parle, et des logements vacants aussi. C'est peut-être une chose à faire évoluer. Nous, on pense plutôt à l'OPAH-RU (opération programmée d'amélioration de l'habitat - renouvellement urbain) : comme on fait partie de Petites villes de demain, Alès Agglo va lancer, en 2024, une étude pour aménager le centre-ville. On laisse faire cette étude et Alès Agglo subventionnera, en fonction de ses moyens, les gens qui vont réhabiliter des appartements. On passe plutôt par cette voie-ci. Mais, bon, je pense qu'on va évoluer sur le sujet. Nous, pour éviter les marchands de sommeil, on a aussi racheté quelques appartements, une dizaine. Maintenant, il faut les réhabiliter. 

D'autres communes commencent à être bloquées dans leur développement par les doutes sur la ressource en eau. Est-ce une crainte pour vous ?

Une crainte, oui, mais comme tout le monde. On se pose des questions mais on n'est pas encore pris à la gorge comme certains au niveau de l'eau. Chaque année, on fait une petite retenue entre les deux ponts pour garder le niveau de la nappe phréatique et qu'on puisse pomper. Je ne pense pas qu'on ait un souci majeur. 

Maison Rouge, musée de l'agglomération alésienne, implanté à Saint-Jean-du-Gard • François Desmeures

Le fait d'être l'un des bouts de l'agglomération alésienne, loin du centre de décision, vous avez le sentiment que ça vous dessert ?

Non, pas spécialement, parce qu'ils ont fait des efforts, tout de même. Que ce soit avec Maison Rouge ou le train à vapeur des Cévennes. La voie ferrée appartient à l'agglo, c'est bien qu'ils ne nous laissent pas tomber... La réalité, ce n'est pas le problème de la communauté, c'est celui de la géographie des vallées cévenoles : on aurait tendance à descendre de plus en plus vers les plaines. L'exode a commencé depuis fort longtemps et il est difficile de l'arrêter. 

Vous avez sans doute suivi le projet de fusion entre les communes de Thoiras, Corbès et Sainte-Croix-de-Caderle. Avez-vous été sollicité pour y participer, alors même que les voies de communication amènenent plus facilement les habitants de Sainte-Croix-de-Caderle à Saint-Jean qu'à Thoiras ? Est-ce que ce projet pourrait intéresser votre commune ?

Non. Qu'ils se regroupent entre eux, c'est déjà très bien. Qu'ils se rattachent à Saint-Jean, pourquoi pas ? Mais je ne crois pas que ce soit leur idée ni leur envie. Les enfants de Sainte-Croix vont surtout à Thoiras ou à Lasalle. Comme il y a des enfants de Saint-Jean qui vont à l'école de Thoiras, et inversement. En fonction du lieu de travail des parents, souvent. 

La ferme de Banières, au pied du col Saint-Pierre, rachetée l'an dernier par la Légion étrangère • François Desmeures

Cela fait un an et demi que la Légion étrangère a racheté la ferme de Banières. Le sujet est-il encore d'actualité dans le village ? Y a-t-il encore des protestations ?

Ce n'est plus un sujet, plus personne n'en parle. Ils se sont bien intégrés, ont passé des contrats avec Super U, Gédimat, et avec une boulangerie. Ils s'alimentent ici. 

Concernant la ferme de la Borie, la mairie avait suspendu la vente dans l'attente des jugements sur les affaires qui l'opposent au dernier locataire. Où en est-on ?

On est toujours en procès avec les locataires. Le bail devait finir au mois d'août, ils nous ont attaqués en justice, ça a été jugé et on aura bientôt le résultat pour savoir s'ils vont devoir quitter ou pas. 

Le sort de la ferme de la Borie n'est toujours pas scellé • François Desmeures

Vous attendez d'autres recours derrière ?

Dans cette histoire, tout est possible. On va d'abord voir ce jugement. Mais, après, il y a d'autres affaires en cours, sur l'expulsion notamment. Le locataire nous a aussi attaqué sur l'état de la maison, parce qu'il s'était fait fracturer la porte par ses copains squatteurs. Il n'y habite pas, en réalité. Il a eu peur, il est parti. Du coup, il détourne sur la mairie. Mais c'est son assurance à lui qui doit gérer ça. Il nous a attaqué sur les normes, on va faire appel. Il nous doit aussi des sommes, il y a eu un jugement, et on a fait appel. Donc, différentes affaires sont en cours. 

Ça peut donc encore durer des mois...

S'il s'en va, on peut tout vendre. On peut déjà vendre en partie, on se pose d'ailleurs la question de vendre la moitié, car le locataire n'a droit qu'à la petite maison. On avait des projets où les gens voulaient tout acheter, ça nous allait bien. Mais sinon, si on vend en plusieurs parties, ça peut nous aller aussi.

Propos recueillis par François Desmeures

Politique

Voir Plus

A la une

Voir Plus

En direct

Voir Plus

Studio